Moi Monsieur je lis pas

Exergue: Aussi void-on qu'un propos vicieux Plus que le vice est souvent odieux
Du Bellay -Divers jeux rustiques -XXXVI -"La vieille courtisanne "
...eh ben vous allez être servis, parce que question conneries ça va dégager...

Il y a, dit Renaud Camus (mais qui peut blairer Renaud Camus?) une frontière encore plus radicale que celle qui sépare les pauvres et les riches; c'est celle, dit Bobin (mais qui peut blairer Bobin ?) qui sépare ceux qui lisent et ceux qui ne lisent pas. C'est ben vrai. J'ai entendu ça l'autre jour dans la salle des profs (je hante ces lieux de haute culture, cinq minutes de temps en temps avant d'avoir envie de chier, parce qu'il faut bien entretenir ses rapports humains comme indiqué sur l'ordonnance (attention, tout abus entraîne des effets indésirables) -en réponse à un collègue vantant les bienfaits de la lecture: un prof de physique (pas de danger que ce soit d'une autre matière, je vous le dis en vérité, les enseignants scientifiques ne font pas le même métier que les enseignants littéraires, on aura beau faire et beau dire, n'en déplaise à Raymond Queneau (mais qui peut blairer Queneau ?) la frontière là aussi est rigoureusement étanche -"Oh mais! disait le "collègue" (?) je connais des gens qui n'ont pas lu un livre de leur vie et qui sont tout de même très ouverts à tout, qui s'intéressent à tout et sont eux-mêmes très intéressants !"

Premièrement, le monsieur de la physique-chimie déplace le problème: on ne lui parle pas de morale, on lui parle de littérature -la confusion dure depuis Flaubert (et qui peut ne pas aimer Flaubert ?) .Deuxièmement, ces amis-là sont assurément très intéressants les uns pour les autres, la preuve, c'est que c'est eux qui le disent, mais je ne vois pas comment un type qui ne s'intéresse ni à la littérature, ni (mon oreille à couper) à la musique classique ni (ma mai~) à la peinture, ni au ballet ni à quoi que ce soit de culturel peut se qualifier d' "esprit ouvert" et "'curieux de tout".

Il est vrai que mon estimable collègue de philo avait placé le débat sur un terrain miné, celui de la connaissance. Il prétendait (à juste titre, hélas, mais avec un siècle de retard, hélas bis, que la lecture était le meilleur moyen d'acquérir des connaissances. Il n'en est plus ainsi! N'importe quelle Marie-Claire vous rappellera fort opportunément que la télévision, n'est-ce pas, qu'Internet, n'est-ce pas (je ne parviens pas à donner à ce mot un ridicule orthographique équivalent à celui dont je voudrais souiller l'expression extatique de ceux qui l'emploient) " avait changé tout cela ", et que cela expliquait (comme si la chose pouvait s'expliquer !) le " déclin de la connaissance livresque DONC des profs qui le véhiculent" bravo Marie-Claire maintenant ta gueule).

J'ai contre-attaqué sur un autre terrain moi aussi (tant les discussions ne sont que des fausses pistes accumulées) sur le terrain de la volupté du style. Mais en fait, pauvre buse de prof de chimie (puisque c'est de toi qu'on est parti), ne te rends-tu pas compte de la différence qu'il y a de la " connaissance" au " renseignement" ? Tu veux un " renseignement" ? tu regardes dans ton dictionnaire, tu consulte le site wwwtroucucul.com- mais tu l'auras aussitôt oublié. La connaissance, " connais-toi toi-même ", c'est de la littérature qu'elle te viendra. Car elle te parle de régions situées à une profondeur inconnue en toi, je fais ici du Marie-Claire philosophique.

Mais mon collègue de philo se montrait conciliant! Il ponctuait son discours de grommellements concessifs, de "évidemment ", de " nous pouvons dire cela à la rigueur ", non et NON! cher collègue et néanmoins ami, il ne faut pas user de ménagements de dissertation avec des crétins de cette espèce, il ne faut pas automatiquement respecter l'adversaire, il faut lui dire" T'es con ", ça fait beaucoup de bien. Cela me rappelle très exactement cette prof de maths (qu'est-ce que je vous disais ?) (parce que vous croyiez peut-être que c'était parmi les profs que se recrutaient les couches les plus cultivées de la population? grave erreur; il Y a encore vingt ans c'étaient les médecins, à présent, Mme Bruno-Demais, dermatologue à Uzès, désigne les ouvrages de son père dans sa bibliothèque sous l'appellation de " travaux sur le vieux français, alors qu'il parle de la littérature au XVIIIè s., bravo les réformateurs, vous avez enfin réussi à transformer les médecins en connards sans formation littéraire, de ces médecins de merde qui vous disent comme ça à brûle-pourpoinct et presque en vous engueulant" Comment Madame, vous n'êtes même pas capable de m'informer que vous êtes séro-positive ? c'est marqué là, sur votre dossier" -la femme l'ignorait elle est ressortie de là-dedans" suffocante et blême ") -cette prof de maths en extase devant des citoyens des Etats-Unis (qu'est-ce que je ne vous disais pas 1) des gens incapables attention vous allez bien lire de reconnaître leur propre pays sur un globe terrestre, et qualifiés encore une fois de "gens intéressants, entreprenants et ouverts à tout" -c'est quoi, ça ? C'est exactement semblable à ces j'aimerais pouvoir écrire tout petits enfants, mais hélas il s~agit de grands couillons de quatorze ans incapables de distinguer sur une carte de géographie la mer et le continent, je ne vous mens pas j'ai vu de mes yeux vu écrit" Chine" en plein milieu de la mer de Chine..

...Des Américains disait ma grosse prof? (oui d'accord ce n'est pas parce qu'on est gros qu'on est con) ? je veux dire des Hominidés américains, ou des vaches, ou des chevaux? Et ma collègue de bader d'admiration devant cette mentalité si à la page, si moderne, qui ne s'encombre pas de tous nos préjugés vieillots culturo-européens -attendez, je vais vous dire ce qu'il y a : ces gens-là ne s'intéressent bien entendu qu'à une seule chose: l'Hhhinternet, que c'est pas la peine d'apprendre quoi que ce soit puisque si t'as besoin d'un "renseignement", tout est dedans.

C'est la même prof qui voulait remplacer je ne sais quoi par de la science judiciaire, parce que ça pouvait être Hûtile à se débattre dans la vie en cas de procès mais ma vieille! ma grosse! j'ai pu éviter tout procès depuis le début de mon existence (sauf un, parce que ma femme m'y a poussé sur les conseils de son notaire, total on a perdu 3000 F avec un mot méprisant de l'avocat, retenez bien ça les Papons : on ne peut rien contre un homme de 73 ans).

Utile! le grand mot a été lâché! Ca ne sert à rien d'apprendre le français, car les tribus se communiquent leur langage en se parlant les uns aux autres, et ça ne sert à rien d'écrire des textes que personne i comprend! lu tel quel dans une copie de bac! je n'ai pas mis" connard " en marge parce que n'est-ce pas je n'ai pas le droit. Utile! parce que pour eux, un livre, c'est "quelque chose où on trouve des renseignements". L'autre abruti de tout à l'heure, il me disait "Ce qui m'intéresse chez Marguerite Duras" -ça c'est de la référence coco, rien qu'à lancer le nom tu fais tout de suite connaisseur, et j'aime Marguerite Duras, "c'est la façon dont elle parle de la misère" -mais once again mon pote, ce n'est pas le côté humanitaire qui compte en littérature, c'est le goût de Duras dans la bouche après qu'elle a fini de parler~écrire, je m'en fous de la misère quand je lis, c'est pour plus tard, c'est un autre sujet -il faut s' "aider les uns les autres" à présent, on dirait les naufragés du radeau de la Méduse qui se bouffent les uns les autres de gluante compassion, il faut "soulager la misère du monde", mais qu'est-ce que tu veux leur apporter aux autres, si tu n'as même pas été foutu de te former toi-même avec ta Culture?

C'est de la misère de l'âme qu'elle parle la Marguerite, et ça tu ne peux pas le comprendre, analphabète, comment peux-tu dire que ça ne sert à rien d'avoir des ailes si tu te les es arrachées dès le plus jeune âge?

"Le latin, ça ne sert à rien, disait Léotard, l'autre, l'acteur ("et tout le monde aime..."), le grec, on s'en branle! -qu'ils se branlent. Celui qui n'est que matheux, il est con."

Quand nous fut révélée (révélée? je rigole) l'ignominie du général Aussaresses, vous pensez bien que les journalistes (les autres journalistes) n'ont pas manqué d'insister sur le fait que pourtant, il avait fait d'excellentes études classiques, excellent élève de latin et de grec merci mes couilles pour le coup de patte, ça ne vous aurait rien fait d'ajouter qu'il avait fait aussi d'excellentes études en maths et en physique?

Mais non, il vaut bien mieux fermer des sections de grec à onze élèves parce que le seuil est de quinze, n'est-ce pas, et les remplacer par une option "techno", comme si c'était incompatible, autrefois même les artisans avaient quelques notions de latin, il faut absolument persuader le bon peuple que "lire, ça n'a jamais servi à former des gens meilleurs ni plus intelligents" -ne pas lire, encore moins. "Lire ça ne sert à rien", eh va chier, prof de maths... Les maths à mort! Vous ne pouvez plus penser quand vous ne faites que des maths, j'ai même connu je ne dis pas un Gitan heureux mais un étudiant qui a abandonné une carrière scientifique parce que le programme était si chargé qu'il ne pouvait plus lire une ligne, il fait du journalisme, mon Dieu mon Dieu pourvu que ce soit du bon...

Tous ces gens-là sont contaminés par la vérole internet, celle qui vous fait croire que vous savez tout sous prétexte que le dictionnaire est là juste à côté de vous et qu'il suffit de l'ouvrir, alors qu'ils feraient mieux de la fermer.

Perles d'ordinateur.

Le Singe Vert n'en finira jamais avec son catalogue de connenes concernant les Internettolâtres. Un jour je demande à un EXcellent réparateur ("Vous êtes bien contents de nous trouver hein, quand il s'agit de réparer vos machines -Mais oui mon vieux exactement comme je suis bien content d'aller chier tous les jours") s'il n'existe pas des machines utilisant l'alphabet grec. Il s'esbaudit "Comment ils se servent encore de l'alphabet grec? ils n'utilisent pas l'anglais? c'est tout de même plus commode!" -mais enfin j'ai hurlé c'est leur langue, non? d'un air tellement féroce que le mec a fait prudemment marche arrière -le grec, la langue éternelle, la langue primordiale, scieI?ment et consciemment assassinée par toutes les instances académiques, une langue que les Grecs eux-mêmes n'ont pas perdue à travers cinq cents ans de domination turque où elle était interdite, vous entendez, tout Grec parlant sa langue était passible de prison, et les petits enfants étudiaient la nuit chez eux en cachette à la lueur des chandelles ou de la pleine lune la langue et l'histoire de leurs ancêtres, en upplément de leur scolarité en langue turque obligatoire, prenez-en de la graIne Jeunes Français de mes couilles et Monsieur Madelin et autres Allègres prêts tout prêts à nous infliger le biliguisme honteuse capitulation, prêts tout prêts à nous transformer fissa (ça c'est de l'arabe) en citoyens de seconde zone dans un pays où bientôt quiconque ne saura pas l'anglais sera considéré comme un " native ", une espèce de sous-homme dravidien rigoureusement interdit de profession parce qu'il ne saura pas "la langue le plus commode" l'anglais, salopards, assassins de civilisation, " oh moi ce que j'en disais" balbutiait mon ordinator man, tout de même rendu compte de sa connerie le mec, mais d'extrême justesse et tout disposé à la ressortir le jour d'après parce que chez ces gens-là, M'sieur, ça ne pense pas, ça psittacise, ça perroquette pour les non-hellénistes.

"Je ne vais tout de même pas me faire chier à apprendre une deuxième langue vivante" disait aussi à mi-voix ce jeune homme (il y en a plein) c'est vrai mon pote, tu ne passes pas pour un con au pied de la Giralda de Séville quand tu demandes tes billets de visite en hurlant et en anglais pour bien montrer que tu la connais la zorglangue (amis de Spirou bonsoir) avec un accent français qui te fous toute la Giralda et toute l'Andalousie en l'air good heavens...

Attends attends c'est pas tout, du même, les quatorzenaires sont inépuisables c'est l'âge bête OK mais maintenant ça se prolonge jusqu'à l'âge de Madelin au moins -c'est très grave et très sous-estimé, mais je considère quant à moi qu'un adolescent de quatorze ans est parfaitement conscient de ce qu'il dit, surtout quand il le répète sans la moindre variation pendant cinq ou six années de suite, ensuite le pli est prix c'est trop tard, ma foi si qu'on reste le même toute sa vie, ce qui n'empêche pas qu'il faut libérer Patrick Henry mais je m'égare comme on dit à Athènes (ça c'est me signe de marque du Singe Vert comprenne qui peut) il disait, le gosse "Lire ça ne sert à rien d'ailleurs ceux qui lisent ils sont pas nets ils sont pédés, je connais une fille elle est complètement conne elle lit elle lit elle n'arrête pas de lire et comment elle fera plus tard pour manipuler l'ordinateur elle sera complètement larguée par rapport à la construction du Futur" -vous remarquez au passage que si moi y en a parler la française comme ça y en a foutu la langue -n'empêche que ta gonzesse elle t'en aura collé plein la tronche avec ses connaissances tirées de son -attention je vais dire un gros mot cerveau tu connais? avant que tu aies eu le réflexe de Pavlov d'allumer ton Hhhhordinateur.

En vérité je vous le dis heureusement qu'il reste encore des gonzesses pour résister à la tout-intemettomania, bientôt nous allons revenir à la dichotomie masculin-féminin, les hommes iront à la chasse à l'Israélien et les femmes cultiveront les Belles-Lettres, le retour des troubadours qui d'ailleurs étaient tous pédés c'est bien connu ("C'est le trou-ba-ba...") putain ça te donne envie de connaître l'avenir, maintenant les mecs ils sont tous plus moches qu'un singe vert avec leurs casquettes et leurs shorts trop longs qu'ils ont dû chier dedans, et dire qu'il y a des gonzesses qui se foutent ça sur le ventre mais je m'égare bis. Je parlais l'autre jour du Berry, et le gonze, toujours avec cette voix qui mue emprunte de la plus épaisse prétention: " Mais qu'est-ce que ça a à voir avec l'acteur Claude Berry? " Le père, un peu gêné tout de même, à mi-voix (il ne faut pas contrarier un Henfant" "Mais c'est une province française! " Vous avez bien entendu mes chers lecteurs, il y a à présent des jeunes gens de quinze ans qui ne savent plus ce que c'est que le Berry, " ça ne sert à rien" et " si j'en ai besoin ou si j'en ai envie" (" besoin" ! " envie "! Ils n'ont plus que ces mots à la bouche) "je peux le trouver sur mon ordinateur".

Ca me rappelle ce skate-roller à qui on demandait qui était la reine Marie-Antoinette" Eh qu'est-ce que j'en ai à foutre j'en sais rien moi tu vois pas que je suis occupé là... "

Tous nos djeunz ont été élevé dans la religion de l' " enfant roi ", jamais ils n'ont fait connaissance avec la moindre contrariété, et dès qu'il a fait connaissance avec une jeune fille par internet, les deux mères se sont concertées pour qu'ils couchassent ensemble avec un paquet de capotes, ah si ma mère avait fait ça, quelle bénédiction ne lui devrais-je pas! Bravo, bravo, bravo, je suis là au premier degré, j'applaudis des deux mains, et de la queue, Mais toute bite mise à part l'enfant m'entendez-vous l'enfant jamais au grand jamais ne choisira la voie difficile, toujours il ira bêler avec le plus grand nombre, du côté d'Internet et de Jésus crucifié en Nike pour faire plus moderne, avec sa casquette à l'envers, et agonisant en anglais.

Mais pour la liberté sexuelle oh que je crève de jalousie nom de Dieu que je crève de jalousie -et à côté de cela vous avez des enfants qui sont élevés dans la souffrance, surtout parmi le peuple ignorant, parfaitement, je maintiens, qui est-ce qui assassine les SDF, ce sont les apprentis boulangers, pas les bacs plus quatre, ou du moins beaucoup rarement, alors on les ouvre, ces archives secrètes de la police? Elles alimenteraient le racisme social, et alors? Bon, d'accord, on ne va pas recommencer les barricades de juin 1848, quand les bourgeois tiraient sur le peuple présenté comme un ramassis de braillards, leurs fils se sont fait tuer pendant la Commune en 71, vive l'homme, vive l'homme, " moi ce que j'en dis "...

Le pire est à venir. Ce vaillant réparateurs m'entend lui vanter Stefan Zweig auteur vous ne l'ignorez pas chers bachoteurs du "Joueur d'Echecs". Il s'est suicidé avec sa femme parce qu'il avait honte de la victoire (apparente, mais ça il ne pouvait pas le prévoir, entre parenthèses on l'a échappé belle) du nazisme. Ce brave jeune homme est tellement pénétré de haine, je dis bien de haine, de mépris baveux, je n'arrive plus à trouver de mots assez bas, pour la beurk pouah lecture et les écrivains qu'il s'est exclamé à mi-voix: "Quelle perte !" Oui parfaitement jeune morveux, quelle perte pour l'humanité, pour l'Homme, que le suicide de Stefan Zweig. Comme j'avais bien besoin de lui pour réparer ma bécane je me suis abstenu lâchement de lui dire que c'était très exactement ce qu'avaient dû ricaner les nazis: "Quelle perte! un écrivain de moins tu parles, et un juif par-dessus le marché! on ne va pas pleurer !"

Plus fort, plus haut, plus con! Raisonnement: Stefan Zweig a calomnié son personnage Czentovic dans "le Joueur d'Echecs " en prétendant qu'il était borné, qu'il ne savait même pas écrire son nom sans faute d'orthographe, donc il a menti, or les nazis eux aussi ont menti, donc Stefan Zweig s'est suicidé parce que lui aussi il a utilisé la technique du mensonge comme les nazis et c'est tout juste si ce candidat n'a pas ajouté que dans le fond ce suicide c'était bien fait pour sa gueule, et allez donc Stefan Zweig était un nazi, je mets quoi en appréciation là, " Sieg Heil " ?

Hein, les ligues de vertu qui voulez ne pas décourager les gentils petits nélèves, je mets quoi là? une croix gammée en signature? Et c'est ça qui a le droit de vote? Et c'est ça que l'on appelle un homme? Si c'est un homme? Ca dépasse de beaucoup la perle scolaire style Jean-Charles (en voilà encore un qui a bien démoli l'enseignement du latin tiens pauvre con, même si tu t'es repenti après trop tard le mal était fait tu peux bien demander pardon aux familles pauvre assassin le mal est fait). Il y a des gens à qui on ne donne jamais, vous m'entendez, jamais la parole, ce sont les profs de base, jamais, jamais, ceux que l'on enferme en cas de visite du ministre, pour qu'ils n'aillent pas dire à la télé en direct que les réformes c'est du bidon, que les travaux des élèves sont d'une indigence totale parce qu'on leur demande de faire des recherches sur Internet qui sont du niveau prof de fac et qu'ils n'ont pas le centième des capacités requises, vous voulez que je vous dise un énoncé d'exercice? " Transformez ce texte narratif en texte argumentatif', " Transfonnez ce dialogue théâtral en sermon religieux ", pourquoi pas" Faites un pastiche de Proust" tant que vous y êtes? Même moi qui suis un grand écrivain, je n'y arriverais pas.

Mais lisez-les, lisez-les donc à haute voix à l'antenne les travaux et les écrits de vos élèves, qu'on voie le désastre! avant d'être interrompu par un journaliste chien de garde des actions et des réformes merveilleuses du gouvernement! Vous seriez effrayés cher-z auditeurs, effrayés! On peut dire" pine, poil, couilles ", mais on ne peut pas dire à quel point de décadence de déréliction de merde est tombé le langage français! ça on ne peut pas! crime de lèse.jeunesse, crime de lèse-Gouvernement! " Je suis beau, intelligent et modeste" cherchez l'erreur, les élèves: " Les trois M'sieur! les trois! " Vous voyez qu'ils ne sont pas si cons.

En vérité je vous le redis, ceux qui ne lisent pas auraient fait partie ou feront partie de ceux qui jetaient ou jetteront les livres, de juifs ou pas, dans les flammes, et le temps de Fahrenheit 451 est tout proche, tout proche, les Barbares ne viennent pas de l'extérieur cette fois mais ils sont par minou, miaou, et je sais que les Barbares historiquement, statistiquement parlant ont toujours fini par être vainqueurs, mais jusqu'à mon dernier souffle, étranglé par je ne sais quelle poigne de fer de Robocop ou de taliban, tu lis pas t'es con point barre.

En vérité je vous le dis les plus beaux, les plus brillants, les plus éclatants triomphes du fascismes ne sont pas derrière nous, Mussolini, Hitler, ce n'est rien de tout cela, ils sont devant nous, le pire est à venir, c'est à présent de l'avenir que vient la Menace, ne faites plus d'enfants, ne faites plus d'enfants, clonez-vous à l'infini, même et surtout si ça ne doit plus donner que des femmes, un jour nous serons tous androgynes et OUFFF, mais tant que vous ne savez pas, que vous ne savez plus, que vous n'osez plus élever vos enfants, abstenez-vous, abstenez-vous.

Vous me direz que je dis cela parce que j'ai dépassé la cinquantaine et que je suis à peu près impuissant. Même si c'est vrai, je tiens mon rôle de vieillard ou d'Argante, les autres diront le contraire pace qu'ils sont jeunes, il est bien entendu depuis longtemps que les opinions ne dépendent pas du degré de vérité qu'elles expriment mais du taux de telle ou telle hormone dans le sang, eh bien tant pis, je joue mon rôle de catastrophe, de Jérémie, Et si le soleil ne se levait jamais, après moi le Déluge, au moins j'aurai hurlé jusqu'au bout, j'aurai su mon rôle jusqu'au bout, il y en a des tas comme moi? Tant mieux, tant mieux. Nous ne serons jamais écoutés? tant mieux, tant mieux.

Les choses tourneront autrement? tant mieux, tant mieux. Je revins toujours à Péguy: ne croyez pas; dit-il en substance, que vos imprécations ou vos exhortations encourageront de façon efficace l'humanité sur le chemin ascendant de son bonheur, ou arrêteront sa chute sur le chemin descendant de sa décadence, il ne faut pas faire le malin belle phrase Péguy, merde à tous ceux qui ont cru découvrir le sens de l'Histoire, " le ventre est encore fécond" et il s'agit non seulement de la bête de Brecht mais de tout ce qui peut se passer dans la suite des temps, le temps est inépuisable... Moi ce que j'en dis... Et Péguy ajoute que le plus dangereux démagogue est celui qui fait semblant de ne pas croire ce qu'il proclame, qui fait " le grand seigneur ", parce qu'il fait sa merde et le critique de sa merde, mais la mémoire de cette merde demeure intacte chez les vrais démagogues, voyez ce que dit Le Pen qui fait semblant de ne pas être raciste mais qui provoque la mise à l'eau et la noyade pour un jeune homme arabe dont le seul tort était de passer sur les quais de la Seine, en vérité il n'y a pas plus dangereux que moi, il n'y a pas plus minable que moi, il n'y a pas plus courant, commun, gemein dit-on en allemand que moi, gemein signifiant aussi" vulgaire, trivial, grossier", manquant de la plus élémentaire distinction, indistinct mais aussi malpoli. J'en étais au désamour de la lecture, d'ailleurs ceux qui disent cela mentent, ils lisent des rangées de livre sur la chimie, sur les pommes de terre, sur la physique des infiniment petits, ils s'instruisent, ils sont curieux. Je revois un vieux Monsieur gueulant contre les" intellectuels ", et sa femme lui ayant fait remarquer que lui aussi rédigeait des conférences sur l'économie si fouillées que l'on n'y comprenait rien non plus et que lui aussi pouvait après tout se voir catalogué dans la catégorie des" intellectuels" ; alors il se mit à reconnaître de mauvais gré que" tout le monde était intellectuel, à ce moment-là ". Qui voulait-il donc condamner? Eh bien, les intellectuels" qui ne pensaient pas comme lui ", les" littéraires ", n'est-ce pas, les" pleurnichards" attachés au passé, comme disait le baron Seillières, de ceux qui voudraient empêcher de remplacer Notre-Dame par un parking parce que ce serait plus rentable, c'est cela?

Il suffit donc de dire" intellectuel" pour que ça suffise, pour que l'insulte devienne à elle seule un argument? " Intellectuel ", disait aussi plein de mépris un sous-acteur pour critiquer son metteur en scène -" Pourquoi l'appelles-tu comme ça ? -Oh, ça ne veut rien dire, c'est juste pour le vexer" -mais espèce de con, tu ne vois pas que du moment que tu fais du théâtre tu es un intellectuel? " C'est pour que ça fasse péjoratif!" Comme" juif" dans les années trente alors? " Oh mais c'est pas" juif" que j'ai voulu dire, c'est" banquier ", " homme d'affaires véreux ", -l'ennui c'est que c'est le mot" juif" que tu as employé, salaud de Céline (pour ne parler que de lui) et ne t'en fais pas, ce n'est pas les banquiers véreux que l'on a envoyés en camps de concentration c'est les juifs, les véreux juifs ou pas ils s'en sont sortis, les" intellectuels" c'est bien en tant que tels qu'ils ont été massacrés au Cambodge et pendant la "Révolution Culturelle" chinoise que je sache, tu n'as pas le droit d'utiliser le mot" intellectuel" à toutes les sauces et surtout pas à la sauce insultante, espèce de con, dès que tu emploies ta tête tu es un intellectuel, dès que tu" te prends la tête fI, tu as un sexe et une tête c'est pour te les prendre espèce de noeud, ah, tu ne lis pas, connard, ah tu ne lis pas!

TU N'ES PAS UN HOMME ALORS? pas une page de Balzac, remplaçable par une page de Schubert, remplaçable par un ballet de Béjart, remplaçable par une statue de Zadkine, quand on n'a pas la Culture en soi, un tout petit peu, un rien, un Watteau, un Baudelaire, estce qu'un tel homme existe, j'espère que non, je dois me tromper, j'ai eu un moment de crise, j'en ai trop écrit, j'en ai trop dit, je me suis fâché, j'aurais pas dû ? Je refuse la tolérance, il y a des maisons pour ça disait Claudel que je n'aime pas pourtant, qu'est-ce que c'est que cette indulgence, n'hésitez pas à insulter ceux qui ne lisent pas, à les insulter non pas eux mais la connerie qu'ils représentent, qu'ils véhiculent, ou au moins qu'ils n'aient pas le droit à la parole, qu'on ne les entende plus, ah bon Dieu voilà mon fascisme qui me reprend, convaincre, convaincre, il faut bien frapper quand on ne peut plus convaincre, Caligula e Camus je crois, tu te calmes, tu te calmes, " Celui qui veut tout comprendre finit par mourir de colère", proverbe arabe, Dieu merci il y a toujours un proverbe arabe, nous sommes tous Allah merci d'un proverbe arabe, tu te calmes, un jour tu crèveras, calme, calme, le monde continuera, voilà ça va mieux j'ai chié.

Nous allons compléter en beauté par un discours officiel qui vaut son pesant d'or libertaire -MORT AUX CONS!

Discours d'inauguration de la statue du chevalier de la Barre -24 février 2001

Monsieur le Ministre, Monsieur le Maire, Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur, Mesdames et Messieurs les Dignitaires de la République, Mesdames et Messieurs les souscripteurs de la statue que nous allons dévoiler dans quelques instants, chers amis.

Qu'il soit d'abord rendu hommage à une presse humoristique qui nous a soutenue dans notre démarche, à laquelle appartenait notre ami Xavier Pasquini disparu récemment. Le 1er juillet 1766, sur la Grand-Place d'Abbeville, Jean François Lefèvre, chevalier de La Barre n'est pas mort attaché à un poteau comme on a bien voulu le représenter. Parce que noble, il a eu le privilège d'avoir le col tranché (les termes sont d'époque). Il avait subi la torture, dirait-on aujourd'hui, la question ordinaire disait-on alors, afin qu'il révèle les complices de ses impiétés.

Quelles étaient ses impiétés? L'acte d'accusation nous dit .“Il a chanté deux chansons blasphématoires, rendu les marques de respect à des livre .S' infâmes tel le Dictionnaire philo.S'ophique de Voltaire” et surtout, premier chef d'accusation, “ avoir de propos délibéré, passé le jour de la Fête-Dieu, à vingt-cinq pas du Saint Sacrement, sans ôter son chapeau qu'il avait .S'ur la tête et sans se mettre à genoux.
(Fin de citation).

C'est cette attitude que nous avons retenue; il a l'allure fière et insouciante d'un jeune homme de dix-neuf ans opposé, quotidiennement, aux pouvoirs du moment. Pouvoirs doubles en l'occurrence puisqu'il s'agit de l'Eglise et de l'Etat.

Le chevalier est mort d'une société où le pouvoir d'Etat (royal en l'occurrence) était confondu avec le pouvoir religieux, où les dénonciations de blasphème étaient fréquentes.

Dès le XVIIIè siècle, Pierre Bayle s'insurgeait déjà contre la transformation du blasphème en délit. .Il faisait remarquer que le blasphème n'est scandaleux qu'aux yeux de celui qui vénère la réalité blasphémée. .Il a fallu attendre le 9 octobre 1905 pour que le rêve des Lumières, la loi séparant les Eglises et l'Etat, soit promulguée. “ A écoles privées, fonds privés” disait-on alors. Aujourd'hui, un siècle après, nous constatons que cette loi a été détournée par de multiples aménagements: loi Astier du 25 juillet 1919, décrets des 8 avril 1931 et 9 janvier 1934, loi Debré du 31 décembre 1959 et bien d'autres décisions qui dissimulent des subventions discrètes et variées.

Actuellement, la surinformation arrive à désinformer complètement la population. Qui sait, par exemple, qu'un procès a été gagné contre l'Eglise pour utilisation des fonds publics aux JMJ?

Autre exemple: aujourd'hui, des terrains municipaux sont bradés pour la réalisation d'un projet d'Institut de théologie en plein Paris. Et pourtant, le texte de la loi de 1905 dit bien: “ La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. ” Le concept de laïcité doit préserver un environnement permanent de liberté pour tous. .Il doit séparer la sphère publique de la sphère privée. La laïcité s'applique non seulement à l'école mais aussi à tous les domaines. On nous objecte que la laïcité est une spécificité française. Nous savons pourtant que sa pratique universelle amènerait la paix sur la terre entière.

Chacun est libre de ses croyances ou de ses doutes. Chacun est libre de vivre comme il l'entend pourvu que ses actions et ses propos ne nuisent pas à autrui et n'empiètent pas sur sa liberté. Cette liberté que je revendique pour moi-même, je la désire aussi pour les autres.

Or, on ne nous dit pas assez que tous les conflits armés de guerre ou de guérilla" aujourd'hui comme hier, en Algérie, en Israël, en Palestine, en Iran, en Afghanistan..., on ne dit pas assez que tous ces conflits ont, certes, souvent des causes économiques mais qu'ils sont tous soutenus, nourris, exacerbés par des guerres de religions.

Ces Eglises emploient pour cela la force mais aussi l'amalgame, le discrédit, l'intimidation, la culpabilisation, par monitoire ou parfatwa Elles prétendent détenir la vérité et veulent appliquer cette vérité à tous alors qu'il ne s'agit que de leur vérité. Pour agir, les laïques n'emploient que la force de persuasion verbale puisqu'il ne peut être question, pour eux, de contraindre au nom de la tolérance réciproque.

La laïcité est une conception subtile de la tolérance. Elle est comme l'air, on sait vraiment ce que c'est quand elle vient à manquer. Un hebdomadaire déclarait récemment: “ En dépit de son inexorable déclin, la religion est à la mode... Quoi de plus tendance que d'écouter une messe dans une église polonaise, de se montrer à la Mosquée de la Goutte d'Or ou d'assister à une célébration hassidique conduite par un rabbin fondamentaliste de la rue de Crimée? Une vi.site du Dalaï Lama sans doute! ” (fin de citation). Les religions sont à la mode et il est de bon ton de dire que la laïcité est ringarde.

Il est vrai que certains, croyant la servir, l'ont dénaturé. En effet, certains laïques n'hésitent pas à se montrer souvent plus intégristes que leurs adversaires, au nom d'un communautarisme intolérant. On ne sait plus si, au nom du droit à la différence, il faut renoncer aux valeurs fondamentales des Droits de 1 'Homme et du Citoyen. On ne sait plus, en particulier, si les Droits de la Femme -car c'est elle le plus souvent qui est la victime -si les Droits de la Femme doivent céder le pas aux religions. Je ne parlerai pas du foulard islamique, de l'excision en Afrique, des chaussures carcan en Chine. Mille sujets peuvent et doivent être traités par la laïcité des institutions, garante de la neutralité et de l'esprit de tolérance. La laïcité rassemble ce qui est épars, c'est sa fonction dans la cité.

Or, la laïcité ne possède pas d'emblème, de drapeau, pas de symbole rassembleur. Notre souhait est de faire de ce square, du chevalier de La Barre et de sa statue, une symbolique de tolérance par des rassemblements de tous ceux qui, laïques dans leur comportement, et quelle que soit leur pensée d'un point de vue politique ou philosophique, se reconnaissent dans le concept de laïcité.

Il existe des actions à mener. Elle sont diverses, grandioses ou modestes mais toutes empreintes de vigilance.

Ainsi, savez-vous qu'il a existé, et qu'il existe encore, des projets pour changer le nom de la rue du chevalier de La Barre qui se trouve au pied de ce square? Les noms avancés sont tous honorables. Je trouve pourtant plaisant que l'adresse de la basilique du Sacré-Coeur, construite pour expier les crimes de la Commune, dit-on, soit “ rue du chevalier de La Barre” ce qui ne serait plus le cas si on la... débaptisait.

Le premier but de notre association était de remettre en place une statue du chevalier de La Barre. Mais la tâche n'est pas achevée. Permettez-moi de vous rappeler ses autres buts, d'après nos statuts:

-Rassembler, aider et favoriser les actions oeuvrant pour la liberté absolue de conscience, la liberté d'expression, la liberté d'opinion et la liberté de penser, contre tous les intégrismes et les fanatismes.

-Promouvoir le concept de laïcité délimitant la sphère publique et la sphère privée.

“ Etre laïque c'est ne rien placer hors du débat ”, c'est sur cette phrase d'Eric Fassin que je voudrais terminer. Que ce lieu devienne l'outil qui mettra notre ambitieux projet en perspective. Que ce square. lieu ouvert devienne en quelque sorte le Temple de la Tolérance, le Temple du respect de l'autre!

Honneur au chevalier

J'ai dit.

Anne Duthil, présidente de l'association“ le chevalier de La Barre".
Contact: 5 rue Edouard-Vaillant -92200 ST DENIS