REPLIQUES

Les répliques auxquelles vous avez échappé


    Il vous est souvent arrivé - la chose arrive à bon nombre d'entre vous - de ne pas savoir répondre sur-le-champ à tel propos particulièrement vexant. "Monsieur", disait un garçon de café à un client very insolent dans "Victor-Victoria", "je trouverai une réplique cinglante pour le dessert". Ce qu'on appelle "un impromptu à loisir". Assurément, nous ne devrions pas nous vexer.pour si peu, car les propos mortifiants sont souvent le fait de personnes qui ne vous valent pas, qui soyons franc ne vous arrivent pas à la cheville.

    Mais c'est précisément pour cela que ces personnes n'auraient jamais dû oser, du fond de leur petitesse, vous offenser de la sorte : c'est justement en raison inversement proportionnelle aux mérites de ces salopes (les personnes) que l'insulte subie accroît le caractère sanguinaire de votre rage. Personnellement, ce sont les enfants, ces petits merdeux, qui m'atteignent le plus profondément.

    Qu'un adulte m'offense et m'insulte, peu importe souvent, nous sommes entre égaux. Mais qu'un enfant, assuré d'avoir toujours raison, aveuglément soutenu par des parents qui souvent n'étaient pas témoins de l'offense, parfaitement capables de hurler que c'est vous au contraire l'offenseur, et d'être forcément crus, y compris dans les affaires de pédophilie, qu'un de ces petits connards dont l'unique préoccupation devrait être de ramper à vos pieds pour leur avoir permis de naître, se pique de frapper juste, voilà ce que mon honneur d'adulte ne saurait en aucun cas tolérer.

    Comme je suis enseignant - tous des malades - vous comprenez que j'aie dû souventes fois lutter contre des pulsions de meurtre. Nous sommes bien loin des préceptes de sagesse distillés par les "sages cervelles", "Les chiens aboient " ou "La bave du crapaud .

    Je ne peux résister au plaisir de citer Proust, par la voix du Baron de Charlus s'adressant au narrateur : "Qui vous dit que je sois offensé ? Croyez-vous Monsieur que la salive envenimée de vingt petits bonshommes de votre espèce juchés les uns sur les épaules autres arriverait à baver jusqu'à mes augustes orteils ?...

    Comment clouer leur bec à tous ces êtres inférieurs ? la réponse, vous le, savez bien, se trouve dans l'escalier. "L'esprit de l'escalier" - trop tard : confer le film "Ridicule". Et cette réplique fulgurante vous vient à l'esprit parfois des années après. C'est ainsi qu'à un de mes collègues appréciant peu mon esprit rabelaisien, disons même caca-prout, et me déclarant devant tous : "Je t'inviterai chez moi quand il y aura les chiottes au milieu du salon", J'aurais dû répondre - hélas 10 ans de retard : " Eh bien ! tu n 'auras qu 'à y faire ton entrée

    Et toc. Dix ans après.     N'oubliez pas que le but de la vie est d'avoir toujours le dernier mot, et de fermer définitivement la gueule au moindre de vos contradicteurs, surtout au moindre. Le meilleur moyen consiste à formuler vous-même l'objection que l'on ne manquera pas de vous faire, puis de décréter que vous jouez sur les deux tableaux, sur le premier et le deuxième degré à la fois, ce qui s'appelle le troisième degré si vous croyez, au fond de vous, au premier, ou au quatrième, si vous croyez, au fond de vous, au deuxième.

    A partir de là les cartes s'embrouillent - tout le monde ne peut pas jouir de la virtuosité de Gottlib - vous finissez par ne plus savoir très bien où se situe "le fond" de votre esprit, ce qui est une excellent préparation à la lâcheté, soit à la littérature, en vertu de l'adage de Genet "Quand on a tout trahi, il ne reste plus que la littérature. De toute façon la sincérité n'a jamais abouti qu'à la cruauté d'une part, et plus souvent hélas oui parfaitement à la plus plate platitude.

    Et puis je commence à en avoir marre de cette écriture d'éditorialiste grande chipie pour magazine féminin. Je suis un homme et je hais le monde entier. Bien me persuader de tout cela...

    J'aurais pu vous assommer de toutes les répliques sans réplique que j'ai assenées à mon éditeur qui n'a fait que me raconter des boniments pour me calmer. Seulement, mon éditeur a toujours raison. J'essaie désespérément de le ramener sur le terrain divin de l'inspiration, du monde à sauver, de la haute valeur de ma personne ; il me répond "rentabilité", "réseaux d'influence", "retours de libraires".

    Il a raison.     Mais de temps en temps, l'irrationnel se remet e marche comme un ressort capricieux. Ca se déclenche. J'imagine alors toutes sortes de dialogues avec mon éditeur, où je lui cloue immanquablement le bec. D'ailleurs je lui ai souvent cloué le bec, en vrai. Résultat ? Cacahuètes. Peanuts, des clous. Dès qu'il me voit embarqué dans le module lunaire des valeurs ci-dessus, il s'y embarque aussi, et forcément, il ne dit que des conneries, puisque là n'est pas la question.

    Je le bats donc forcément à plates coutures dans le domaine de la légende : la Gloire, la Qualité, le Sentiment du Moi. Il n'a rien à répondre ! L'Idéal est vainqueur sur toute la ligne ! Hélas : impossible de passer le cap du deuxième roman, parce qu'il y faut tout une mécanique. Il faut se plier aux rouages, se constituer un réseau d'amitiés intéressées, avec les libraires (voir ci-dessus), les critiques et journalistes de tout poil, les réseaux de distribution, j'en passe, toutes choses pour lesquelles plusieurs années sont nécessaires.

    Et comme je suis vieux (depuis trente ans) (je me suis toujours senti vieux, bon truc pour ne rien faire, je vous le communique généreusement), la mort me rattrappera bien avant que j'aie pu profiter de la mise en marche de cette merveilleuse mécanique à gloire, qui passe par les ventes - et le mystère.

    Alors, quand je sens monter en sauce la Divine Parandia, plutôt que de faire sentir à mon éditeur toute l'étendue de mon mécontentement et de mon angoisse existentielle, je l'évite. Je le boude. Ce ne serait même pas avec lui que je discuterais, que je m'engueulerais, mais avec un méchant éditeur de ma pure composition. Quelque chose de névrotique et de compulsionnel (qui revient sans cesse).

    Tenez - encore un truc que je vous communique : au lieu de recommencer la même scène de ménage, où chacun connaît si bien par coeur les répliques de l'autre que la dispute pourrait aussi bien se disputer par numéros : "33 ! - 47 ! - 125! - comme ces fameuses histoires drôles des gardiens de phares -eh bien fuyez ! Pas facile pourtant : car je ne dors pas dans le même lit que mon éditeur - mes conseils sentent la couille.

    Et là, Fitzgerald, c'est l'éditeur qui a eu le dernier mot. Je n'aime pas ne pas avoir toujours, je dis bien absolument toujours, raison. Mais si vous n'avez pas affaire à un éditeur, vous vous engueulez bien de temps en temps avec un autre automobiliste ? (je me rattrape comme je peux). Eh bien, s'il vous dit :

    - Quand on ne sait pas conduire, on reste chez soi     Répondez:

    - Et quand on dit des conneries, on ferme sa gueule     A condition de pouvoir redémarrer aussi sec en trombe.

    Si l'automobiliste vous dit

    - Je t'encule

    Répondez:

    - Je m'en fouts, j'ai la diarrhée très fine, celle-là, très clâsse.

    J'en avais plein des comme ça. Et c'est au moment de rédiger ma revue que tout m'échappe. Bien tombé vraiment. Je me suis égaré du côté de mon éditeur, symbole de mon échec, de ma capitrouduculation devant les lois du Marché qui je le répète sont régies par le hasard dans une proportion que nul n'a découvert sinon ce ne serait plus du hasard - et tout m'a échappé.

    Et c'est pourtant lui, l'éditeur, qui m'a suggéré le sous-titre : "Les répliques..."

    A des zozos qui essaient de me faire avaler une visite de spécialistes en capricornes (vous savez, ces fringués de frais qui grimpent dans vos combles, en grattent un vieux morceau de bois qu'ils avaient dans leur poche et vous disent, funèbres: "Vous voyez ce que les capricornes font de votre charpente ?" - vous pouvez toujours répondre "Je m'en fouts, je suis du Sagittaire", mais ça ne prend pas toujours.

    Aujourd'hui, d'autant plus qu'ils me surprenaient en situation humiliante (avec ma balayette et ma petite pelle), je leur ai fait le coup du malade : "Non écoutez, je ne peux pas vous recevoir en ce moment, je ne me sens pas bien du tout, laissez votre documentation" - ouf, ils n'ont pas insisté.     Aux assureurs qui viennent pas deux, avouez sur le ton le plus gêné que vous êtes chômeur : "Ah, évidemment... Il faut une certaine mise de fonds... Alors excusez-nous..." A celui qui vous vend un extincteur : "Et si ça brûle ? - Eh bien si ça brûle, ça brûlera Pas content le mec. On s'est engueulés à travers toute la rue quand il s'en est allé.     A celui qui tient à toute force à vous faire recrépir votre mur : "Je n'ai pas envie de lire des tags du genre me dit-il d'assurer quelqu'un le temps d'un trajet d'auto-stop. Bon , je le laisse faire, et je lui file l'adresse d'un collègue en souliers vernis, que je ne pouvais pas blairer. Il y est allé, ce con ! et ne m'a pas reconnu, bien sûr ; il a bassiné l'autre pendant pendant plus d'une heure.

    Le collègue m'a revu, en disant que mes farces n'étaient pas bonnes. je m'en fouts, je ne l'ai plus jamais revu. Et l'autre abruti qui voulait me vendre un gros livre incompréhensible sur le droit ? Toute la justice en 700 pages, coco ! "Ca ne vous ferait pas plaisir, si un type vous cherche des noises et vous traîne en procès, de lui dire : "J'ai raison en vertu de tel article de loi, tac et de mettre le doigt sur un article au hasard.

    Et moi de répondre : "Et si l'adversaire me prend le bouquin des mains et m'annonce qu'il a raison, lui, en vertu de tel autre article, toc ?" Il s'est tourné vers son assistante sur le divan et lui a dit : "Vosu voyez, là, c'est le type de client avec lequel on ne peut pas discuter." Mais enfin bougre de con, à quoi ça sert alors toute la satanée nuée d'avocats si la loi peut se tirer d'un seul livre, même de 700 pages ?

    Quand j'ai voulu expulser un locataire mauvais payeur, l'avocat m'a laissé engager l'affaire, il a accepté mon argent. Pusi il m'a fait envoyer un mot même pas signé de lui où il m'avertissait que de toute façon, je perdais en raison de l'âge de mon client. Tu ne pouvais pas me le dire plus tôt, avant d'accepter ma cause et de prendre mon argent, connard ? Depusi Molière en vérité mes frères, n'importe quoi sauf la justice.

    Le plus beau, ç'a été les témoins de ielàovah. Dialogue:

    - Si Dieu m'appelle, je ne pourrai pas Lui résister, n'est-ce pas ?

    - Mon frère, on ne résiste pas à l'appel de Dieu.

    - S'Il ne m'a pas encore appelé, c'est qu'Il ne le désire pas encore, n'est-ce pas ?

    - En effet mon frère.

    - Eh bien vous reviendrez quand Il m'aura manifesté ainsi sa volonté. "

    Dans le cul, les Jéhovah.

    Piégés à leur propre connerie. Je ne les ai plus revus. Si, dans la rue, quand ils changeaient de trottoir pour m'éviter.

    C'est emmerdant j'avais prévu tout à fait autre chose. Je vous ai fabriqué un articulet gentil, à mi-chemin entre le courrier des lectrices et Alain Rémond de Telérama. Je voulais être un gros méchant. Une autre fois.

    A un élève qui répond

    - Je t'emmerde.

    Sortez un rouleau depapier-cul et dites lui : "Torchez-vous, mon ami, torchez-vous Rigolade assurée, l'emmerdeur est raillé cruellement.

    - M'sieu, quelle est la différence entre un pédé et vous?

    - Tourne-toi que je t'explique.

    Authentique - hmm, Danone...

    Ne jamais laisser le dernier mot à l'adversaire - à l'interlocuteur : tout est là.

    Méfiez-vous, pêle-même     De celui (ou celle !) qui prétend vous apprendre ce que vous êtes, qui vous dit :"Je te connais mieux que toi-même, tu n'es pas si méchant - ou pas si bon - que ça " - attention : on cherche à vous changer votre personnalité. Tenez bon. En dépit de ce que brâment les sartriens, et les psychiatres qui emboîtent le pas, vous vous connaissez forcément mieux que les autres.

    Les autres certes vous informent sur des choses auxquelles vous n'auriez pensé. Mais sur l'essentiel, vous vous connaissez. Ne souhaitez jamais vous voir par les yeux des autres : comme dit Cioran, il y aurait de quoi se cacher sous un drap et ne plus en bouger. Il a dit aussi que si l'on se considérait, inutiles et nuisibles comme nous sommes dans l'univers, nous baisserions les bras et nous attendrions de crever.

    Ce qui ne'l'a pas empêché de publier surabondamment et de bien surveiller la bonne sortie de ses livres et d'empocher les droits d'auteur. Ben voyons. Méfiez-vous de tous les donneurs de leçon, sale engeance. Ceux qui s'empressent de venir vous dire tout ce qu'il aurait fallu faire, et qui font exactement le contraire, et qui si vous le leur faites remarquer s'exclament scandalisés :

    - Ah oui mais pour moi ce n'est pas la même chôôôse     J'ai raison parce que c'est moi, dernière phrase de "Vipère au poing" de Bazin.     Vous devez vous dire : "Mon vieux çui-là, ya pas moyen de l'avoir. " Non. C'est justement parce que je me suis fait mettre un nombre incalculable de fois que j'ai élaboré ces petites remarques à sa mémère. L'escalier, le plus souvent, a frappé. Seulement, j'ai étalé ici quelques-uns de mes petits triomphes, mesquins, mais qui font tellement plaisir.

    ... Et la fois où j'ai dit à un mec "Tu vas me le payer mon pare-chocs" "Vous plaisantez mon cher ? Pour deux ou trois éraflures ? "

... Et la fois où j'ai dit à un autre : "Tu veux dire quelque chose à ma femme" ?

    Hmmm. ? (mouvement du menton).

    Je ne peux résister - qui résisterait ? - à vous rapporter la cinglante d'une jeune fenune qu'un attentat avait réduit à porter une prothèse. A un copain de son cavalier de danse qui lançait : "Ca ne te fait rien de danser avec une gonzesse à la jambe de bois ?" - Ma jambe de bois c'est un accident, mais ta connerie à toi, c'est de naissance.     Quand vous dansez, que vous vous frottez quelque peu, une tumescence peut naîÎtre au croisement de vos jambes. Maintenant, ce n'est pas non plus absolument obligatoire. Eh bien un jour, ma cavalière a informé à haute et intelligible voix toute Passistance'que j'étais impuissant. Sympa, non ? C'est seulement depuis quelques semaines qu'une amie à moi m'a suggéré la réplique sans réplique, soit 36 ans trop tard : "Si t'étais moins moche, aussi... "

    Une fille s'appelait Colette Brosset, de Mussidan. Faites passer. Ah merde, pour une fois que je dis un nom ! (Le mien, c'est le Singe Vert ; vous pouvez m'écrire).

    ... Et cet élève du conservatoire engueulé par son professeur : "Monsieur, si Molière vous entend jouer, il doit se retourner dans sa tombe ! " Réponse "Comme vous l'avez joué avant moi, ça le remettra en place.
    Viré le mec. Mais ce pied.

    Bon j'arrête.

    Mais n'oubliez pas : toujours le dernier mot.

    Exemple : "Tu te crois malin mais on fait tous ça, Dugland ; qu'est-ce qu'on en avait à foutre de ta revue à la con?"

    Réponse

-    Ta gueule.